Bonjour Sophie, vous êtes avocate à Lyon, pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour Aurélie, effectivement je suis avocate au barreau de Lyon. Mon cabinet indépendant intervient majoritairement en droit des successions et ingénierie patrimoniale pour assister, tant en conseil qu’en contentieux, les clients qui rencontreraient des problèmes ou des questionnements sur ces domaines d’intervention.
Quel est votre parcours ?
J’ai un parcours un peu atypique car j’ai commencé l’exercice du droit en tant que notaire stagiaire dans deux études lyonnaises. Ce qui m’a permis d’apprendre le métier du notariat, jusqu’à l’obtention de mon diplôme de notaire.
Le métier de notaire est très différent de celui d’avocat, j’y reviendrai après.
A la suite de cette première pratique professionnelle, j’ai décidé de me “reconvertir” dans la profession d’avocat.
Pouvez vous nous décrire votre activité et ce qui fait son originalité ?
Cette double casquette avec la formation notaire/avocate est une première originalité. Ce qui me permet d’être à l’aise, de bien comprendre et d’anticiper les éventuelles problématiques juridiques qui peuvent se présenter, tant dans le cadre des études notariales que des cabinets d’avocats.
Est-ce que votre domaine d’intervention va au-delà des successions ?
Oui mon domaine d’intervention est beaucoup plus large. Quand on pense “succession” en général, on imagine que la personne est décédée et que les héritiers souhaitent régler la succession et partager les biens.
En ce qui me concerne, j’interviens aussi en anticipation de succession et c’est un point important. Il faut anticiper le plus possible. D’abord parce que personne n’est à l’abri d’un malheureux accident. En plus, ça facilite aussi le règlement en cas de décès et ça évite le contentieux possible entre les héritiers.
J’interviens aussi dans le cadre de cette anticipation comme conseil et assistance à la rédaction de testaments ou dans le cadre d’analyse des contrats d’assurance-vie.
L’assurance-vie est un point un peu à part car par principe, ces contrats sont hors succession mais il y a des possibilités de les contester.
J’interviens donc également dans les contestations des effets de ces contrats d’assurance-vie.
A quel moment fait on appel à vous : plutôt pour préparer une succession ou pour régler une succession qui tourne mal ?
Le bon moment pour commencer à se renseigner auprès d’un avocat, c’est quand on commence à avoir un peu de patrimoine ou quand on a des enfants puisqu’il faut pouvoir les protéger en cas d’accident. C’est aussi en cas de séparation ou d’évènement malheureux dans le cadre de sa vie quotidienne.
Est-ce qu’il y a une problématique spécifique pour les chefs d’entreprise ?
Oui il y a une problématique très spécifique car dans le cadre de leur activité, il y a les parts de leur société, il peut y avoir des parts de SCI et plus on anticipe l’éventuel règlement de la succession, plus on permet à la société de poursuivre son activité une fois que le chef d’entreprise est décédé.
Souvent, l’entreprise et ses clients sont très attachés au dirigeant donc plus tôt on anticipe la transmission, qu’elle soit dans la poursuite des affaires sociétales mais aussi la transmission patrimoniale, plus la société pourra fonctionner plus aisément après le décès, pour ne pas malheureusement pérécliter dans des combats de succession.
Quels sont les problèmes les plus fréquents rencontrés en matière de succession ?
Le point le plus courant c’est quand les deux parents décèdent. Les enfants expriment certaines rancoeurs, qui viennent de l’enfance. Une guerre ouverte se met en place. Tant que les parents étaient vivants, il y avait une sorte d’omerta pour préserver le lien familial.
C’est comme dans les divorces, on sort un peu du rationnel dans ces moments là…
Oui et le rôle de l’avocat est de prendre un peu de distance avec ces rancoeurs et ces mésententes, qu’elles soient justifiées ou non. L’avocat est là pour faire du droit, pas de la morale. Donc il applique les règles de droit, il conseille ses clients et met en place d’une stratégie avec ce dernier afin d’essayer d’obtenir le meilleur résultat pour luidans le règlement de son affaire. Il aide la personne à prendre un peu de recul et à lui dire : “là vous avez raison, si on devait aller devant un tribunal ça pourrait fonctionner, là non.”
On essaie toujours d’abord une procédure amiable car les procédures judiciaires en partage successoral sont extrêmement longues, ça peut prendre 10 ou 20 ans, même plus. Dans l’intérêt des clients une procédure amiable est donc préférable pour pouvoir sortir de ce problème familial qui est pesant pour le client alors qu’il doit en plus faire son deuil de la personne décédée.
Vous faites de la stratégie et de la négociation
Exactement. L’apport d’un avocat, notamment dans le cadre d’une succession, c’est d’aider son client à pouvoir sortir le plus rapidement possible du blocage rencontré dans la succession. Surtout quand vous faites face à un problème affectif. Vous venez de perdre vos parents ou votre soeur… Pour que la personne puisse obtenir une solution conforme à ses intérêts, tourner la page et reprendre une vie plus « sereine » en s’éloignant de ces problèmes juridiques.
Est-ce qu’il y a une durée moyenne pour régler une succession ?
Non. Si tout le monde s’entend autour du règlement successoral, ça peut aller très vite. C’est géré par un notaire, tout le monde est d’accord sur tout, il n’y a pas eu de choses cachées.. ça peut être fait en 6 mois.
Mais si vous avez des revendications d’un héritier même non justifiées juridiquement, elles bloquent la succession. S’il y a des choses cachées, des choses volées (!)… alors là il n’y a plus de délais. Ca peut être 2 ans de procédure amiable et ça peut être 10 ans de procédures judiciaires si on n’y arrive pas.
Avec un risque de multiples décès. Quand la succession traîne parce qu’il y a des désaccords forts et quelqu’un qui de toute façon ne veut aucun accord, même si juridiquement ce n’est pas valable, vous avez les enfants qui décèdent. On se retrouve alors avec les petits-enfants par exemple donc de multiples interlocuteurs et de multiples revendications possibles.
Conseillez vous de de se faire accompagner par un professionnel pour rédiger un testament ?
Oui, un testament, c’est la base pour anticiper le règlement successoral. Il y a plusieurs formes de testaments dont un testament authentique qui ne peut être rédigé que par un notaire. L’intervention de l’avocat peut être au côté du client et du notaire pour « vérifier » que le testament rédigé corresponde bien aux objectifs, c’est aussi une assistance juridique.
La plupart du temps, les avocats interviennent dans les testaments olographes, ceux qui sont datés et écrits à la main et qui après, je le conseille, doivent être enregistrés au Fichier des dernières volontés qui est détenu par les notaires et dont le coût d’enregistrement est minime.
Est-ce qu'avec le développement du numérique les successions vont se compliquer, on pense aux actifs numériques par exemple ?
En ce qui concerne l’activité aujourd’hui, on a peu voire pas de numérique au sens strict. Le problème n’est pas fréquent.
Ca va forcément se développer puisqu’on se met massivement dans ces outils et ces placements financiers, ces questions arriveront.
Avez-vous des conseils à donner à nos lecteurs ?
Le principal conseil c’est d’anticiper à partir du moment où vous avez du patrimoine ou des enfants, y compris des enfants d’une précédente union. Là aussi, ça peut créer beaucoup de conflits quand le parent décède.
Ne pas hésiter à prendre une petite consultation chez un avocat pour avoir conscience des opportunités d’anticipation successorale et de la situation juridique. Libre ensuite au client de mettre en place les conseils ou non.
Au moins, vous prenez conscience des risques en cas d’accident brutal.
Plus on anticipe, plus on préserve la paix familiale.