Quelles conditions pour bénéficier de l'attribution préférentielle d'un bien professionnel ?
La loi prévoit un cas d'attribution préférentielle ouvert même en l'absence de testament ou de mandat à effet posthume : l'attribution préférentielle d'un bien professionnel pour lequel le cohéritier qui en fait la demande a participé effectivement à l'exploitation, du vivant de l'entrepreneur défunt.
Il faut donc cumuler les deux conditions :
- être parmi les indivisaires plein-propriétaires ou nu-propriétaires ;
- avoir assuré une fonction réelle au sein de l'exploitation : être ou avoir été salarié, conjoint collaborateur, dirigeant de l'entreprise du défunt.
On peut noter dans un premier temps que plusieurs personnes peuvent remplir ces deux conditions : elles pourront alors choisir de former une demande commune, mais pourraient préférer des demandes concurrentes.
De plus, ce droit existe mais demande une action en justice dès lors que son exercice n'est pas consensuel. C'est donc l'appréciation du juge qui reconnaîtra, ou non, si la condition de participation est suffisamment observée pour justifier une attribution préférentielle, ou quelle est la demande la plus méritoire en cas de demandes concurrentes.
Sans oublier que la demande se doit d'être suffisamment sérieuse, car si l'attribution préférentielle ne peut être compensée en valeur par le désintéressement du demandeur sur le reste de la masse successorale, alors ce dernier sera redevable d'un soulte à l'égard du reste de la hoirie.
Qu'obtenir en échange de l'attribution préférentielle d'un bien professionnel ?
La structure patrimoniale particulière des chefs d'entreprise, caractérisée par la part prépondérante des biens professionnels, permet rarement de compenser l'attribution préférentielle de ceux-ci avec le seul reste de la masse successorale : il est alors nécessaire que le bénéficiaire de l'attribution préférentielle verse une somme d’argent, appelée soulte, qui compense la valeur qui lui est octroyée sur la masse successorale.
La loi prévoit qu’un délai de 10 ans peut être accordé à l’attributaire préférentiel, sous réserve de révision de prix si la valeur du bien augmente de 25% ou plus. Mais dans ce cas, il doit offrir de sérieuses garanties de sa capacité de paiement.
L’attribution préférentielle dépend donc de la part de l’actif successoral qui est revendiquée, et de la surface de celui qui la revendique : si le patrimoine est bien diversifié, un accord de partage peut exister, avec quelques ajustements à la marge. Même si l’évaluation des biens des biens professionnels est souvent plus délicate que concernant les avoirs financiers et les propriétés foncières, ce qui peut amener des tensions entre cohéritiers.
En revanche un patrimoine uniquement constitué d’une entreprise ne sera attribuable préférentiellement qu’à un héritier aussi riche que son parent, ce qui limite beaucoup les cas, et l’intérêt même de la solution.
En conclusion, l’attribution préférentielle est un système incertain, qui dépend des conditions économiques des différents membres de la famille et requiert une procédure judiciaire incertaine pour être imposée. C’est pourquoi il est préférable de régler le sujet de l’attribution par testament, si possible en prévoyant des solutions assurantielles suffisantes pour verser les soultes éventuellement nécessaires si l’on privilégie la solution de la reprise par un héritier spécifique.